Histoire du Donnenbach
Par Daniel Peter, président de la Société d'histoire
et d'archéologie de Saverne et environs.
L’étang du Donnenbach : de la fonction piscicole à la Maison de l’eau et de la rivière
Situé non loin de Frohmuhl, l’étang du Donnenbach est un lieu paisible bordé d’arbres. Il apparaît sur les cartes au début du XVIIIe siècle lorsque le comte palatin, seigneur de La Petite-Pierre, autorise la construction d’une scierie.
L’histoire de l’endroit est relativement récente. Sa première mention figure dans une description du bailliage de La Petite-Pierre de 1559. Qualifié de Hauptweyer, c’est-à-dire d’étang principal, il est géré par le receveur bailliager et a une fonction piscicole importante. Après la guerre de Trente Ans, le bassin est mis en location, mais la pisciculture est maintenue.
La création d’une scierie
Durant le premier quart du XVIIIe siècle, l’administration palatine se soucie d’exploiter rentablement les forêts importantes de la région. En 1724, elle approuve l’établissement d’une scierie sur la partie inférieure de l’étang. L’adjudicataire de la construction et de l’exploitation, Christian Ebermeyer, s’engage à bâtir la scierie dans un délai de douze mois. Le bois de construction nécessaire pour les travaux est fourni gratuitement par l’administration seigneuriale.
La scierie est construite dans les délais. Ses affaires semblent rapidement florissantes, surtout à partir de 1730, lorsque l’administration seigneuriale implante un atelier métallurgique, grand consommateur de bois, à Frohmuhl. Le minerai provient d’une mine creusée dans une colline appelée Erzberg, située entre Volksberg et Weislingen. Mais très vite, en 1741, la mine et la fonderie sont affermées à Johann Philipp Quien, originaire du Palatinat. L’entreprise périclite en 1772.
Un moulin à farine
En 1734, l’administration palatine rachète la scierie pour la transformer en moulin à farine. La population de la région ayant considérablement augmenté, les autorités espéraient sans doute tirer meilleur profit d’un moulin que de la scierie. Il y avait, certes, un autre moulin à Frohmuhl, mais la captation partielle du cours d’eau entraînant sa roue par l’atelier métallurgique perturbait sérieusement son activité.
Le projet intéresse également les communautés de Petersbach, Struth, Tieffenbach et Hinsbourg qui ne sont guère satisfaites du meunier de Frohmuhl qui a tendance à les rouler. Les habitants de ces quatre villages s’empressent de soutenir la candidature de Michel Klicky, un bourgeois connu de Tieffenbach ayant appris le métier de meunier. Malheureusement, les suppliques des quatre communautés ne trouvent aucun écho auprès des autorités palatines qui permettent, en 1741, au fermier de l’atelier métallurgique cité plus haut de construire à ses frais le moulin. Elles proposent de racheter l’établissement à l’expiration du bail. En 1743, Johann Philipp Quien fait bâtir le moulin, mais se voit contraint de relever le lit de l’étang, travaux importants pour lesquels il n’obtient aucune aide financière seigneuriale. Puis il confie l’exploitation du moulin à un compagnon meunier.
Un moulin infructueux
Mais le moulin n’enrichit guère ses exploitants. Vingt ans après sa construction, en 1761, Johann Philipp Quien obtient l’autorisation de le vendre à un anabaptiste de Struth pour 950 florins. Modeste, l’établissement n’est pas banal, ce qui signifie que le meunier ne peut exiger des habitants de la seigneurie qu’ils fassent moudre leur grain chez lui sans pouvoir aller ailleurs. Il subit la forte concurrence des autres moulins des environs.
Cinq exploitants se succèdent entre 1766 et 1785. Le dernier d’entre eux est Heinrich Oswald, de Tieffenbach. Fin janvier 1792, la digue de l’étang de Haslach rompt et provoque la destruction du barrage du bassin de Donnenbach, situé en aval. Le moulin est gravement endommagé, mais Oswald le remet en état rapidement.
Détruit par un incendie en 1825, le moulin est reconstruit en 1830. Par la suite, le baron de Reissenbach, maire de Neuwiller, l’acquiert. Son héritier Charles Muller le fait réparer en 1886. Loué à plusieurs meuniers, l’activité de meunerie cesse définitivement en 1890.
De nouvelles destinations
Après 1890, l’ancien moulin devient une auberge rustique exploitée par un Strasbourgeois. Ce dernier ne se maintient pas longtemps, son successeur non plus. Le suivant, venu de Dabo, profite de l’arrivée du train à Frohmuhl en 1899 pour attirer les touristes. Quelques années plus tard, l’endroit est repris par un Allemand qui le fait bien prospérer. Mis sous séquestre après la Première Guerre mondiale, il parvient à l’administration des Eaux et Forêts qui l’aménage en maison forestière occupée jusqu’en 1967.
En 1973, la maison est louée à l’Association pour la mise en valeur du site et la préservation de la vallée du Donnenbach qui en fait le premier centre d’animation du Parc naturel régional des Vosges du Nord. En 1999, le lieu devient la Maison de l’eau et de la rivière (MER, un équipement pédagogique qui « […] invite à éprouver la beauté de la nature et à habiter le monde autrement ».
En savoir plus : Wollbrett (A.), « Au pays de La Petite-Pierre - Le moulin de Donnenbach », Pays d’Alsace, n° 85, 1974, p. 25-26.